vendredi, juillet 27, 2007

Point Godwin

Le blog de Jean Panin
(Newsletter du 15/07)

Le "point Godwin" bien connu des blogueurs tient son nom de la loi émise par Mike Godwin, avocat américain, dans un cadre réthorique:
Plus une discussion sur Usenet dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison avec les nazis ou avec Hitler s'approche de 1
Cette loi décrit tout d'abord le phénomène inflationniste des extrémismes des positions prises sur un média virtuel en l'absence de la régulation qui existe lors d'une interaction physique. Peut-être cette régulation vient du fait que dans une interaction physique l'inflation débouche sur de la violence physique alors que sur Internet ou par lettre interposée celle-ci reste symbolique, je ne saurais le dire.
Le deuxième point que cette loi met en relief c'est que cette inflation débouche sur des comparaisons non pertinentes entre des situations qui n'ont rien à voir ensemble et qui font appel notamment à des valeurs de rejet considérées comme universelles. L'observateur qui arrive à ce moment là, lorsque le point Godwin est atteint, sans avoir participé au phénomène d'inflation, pourra alors regretter que le sujet de départ de la discussion soit oublié. Il pourra alors parler de troll, surtout si en effet le point Godwin a été délibérément atteint afin de ne pas rentrer dans ce qui fait réellement débat (puisque le rejet des nazis est considéré comme universel ou en tous cas présenté comme tel dans une forme tautologique irréfutable).

Ce point Godwin est désormais parfaitement connu de la majorité des internautes. Cela est bien pratique car les trolls sont ainsi désignés, les détournements se font moins nombreux ou, disons, moins ennuyeux puisque l'inflation est rapidement dégonflée. Le confort de la participation sur internet est donc à nouveau présent surtout que des outils permettent aussi, et vous avez pu le constater ici-même sur mon blog, de filtrer les publicités et le spam.
Pour autant le point Godwin est désormais brandi à tour de bras par un nouveau genre de troll: celui qui ne veut pas non plus rentrer dans le débat et qui propose qu'on ne s'attache qu'à la forme du discours. Ainsi un article qui parle lui-même des nazis et de Hitler (pourquoi pas, il s'agit d'un sujet historique et touche particulièrement à des considérations métaphysiques, c'est à dire que le thème fait partie de la construction individuelle de plusieurs générations) attire des commentaires politiques dénoncés par certains comme des "points Godwin" pour désigner des trolls pour ne pas avoir à traiter du sujet qui à l'évidence les met en face d'interrogations personnelles qu'ils souhaiteraient évité.


J'ai eu dernièrement l'occasion de traiter du problème de la politique de l'information de notre gouvernement, de sa centralisation, de son contrôle et de sa surveillance. Le modèle qui se met en place, bien que privatisé dans une partie importante, peut se décrire de diverses manières. J'ai donc été accusé par certains d'entre vous d'avoir atteint le point de Godwin lorsque j'ai voulu démontrer dans mon article précédent des similitudes entre le système Obrodje et le soviétisme brejnevien. Certains ont cru même bon de montrer la vacance de mon argumentation en remplaçant les mots relatifs au soviétisme par des mots relatifs au nazisme sans se rendre compte de la non cohérence historique ainsi obtenue et qui n'était pas présente dans mon analyse de départ.
Ce qui est donc étonnant c'est qu'en revanche tout le monde semble s'accorder sur le bonapartisme apparent de notre président. La comparaison entre Napoléon III et Alexandre Obrodje a certains mérites sur certains aspects, mais ne peut être complete ni entièrement vraie, c'est à dire que ce n'est pas suffisant de s'arrêter à cela. Et en l'occurrence le traitement de l'information, mais je n'y reviendrai pas, est plutôt soviétique ou, si vous préférez car il y a plusieurs URSS, brejnevienne. Je vois personnellement dans l'insistance de la qualification de bonapartisme une sorte de sympathie franchouillarde et condescendante, peut-être nationaliste d'ailleurs, justement originaire des grands médias à la solde de l'oligarchie économique qui est en train de se construire. C'est à dire que cette manipulation, qui n'est peut-être pas à qualifier de propagandiste car elle n'est pas complètement construite vers un seul objectif, possède en elle-même une réfutation toute prête qui en fait ne sert qu'à continuer de la valoriser.

La vision industrielle, oligarchique, unipartiste, thésauriste, morale, planifiée, hiérarchique et conservatrice de notre président de la République sur l'information (de la pensée de celle-ci jusqu'à son écoute) me semble être proche du soviétisme même si, plus largement, au niveau de sa politique générale et de son rapport au citoyen cette comparaison ne tient plus. Il n'y a pas de mal en soit dans le soviétisme (comme le bonapartisme n'est pas sympathique): mon argumentation ne tient peut-être pas, mais en aucun cas il y aurait une polémique gratuite qui viserait à ne pas discuter des décisions gouvernementales.

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